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Dicod'y
29 décembre 2008

Bonheur

neigeLe bonheur... C'est quoi le bonheur? Je l'ai beaucoup cherché, il m'est arrivé de l'approcher, quelquefois de le tutoyer, et une seule fois de le vivre, au moins de penser l'avoir vécu.
Car le bonheur est aussi fugace qu'une véronique de Rafaël de Paula, aussi fragile qu'une lame de verre, aussi pointu qu'un paratonnerre au sommet d'une tour... On peut trouver l'amitié,  l'amour, la tendresse, la joie, la tranquillité...  Mais le bonheur, cette accumulation d'émotions qui conduisent là, à l'indicible sommet des choses, là où tout le reste converge pour offrir cette seconde de plénitude, de perfection, cette émotion si excessive  et si douce, ce moment où l'on sait que l'on a atteint le but, l'extrémité...
Au matin, le dernier matin,   nous nous étions promenés main dans la main au hasard des ruelles grises et sombres de Pampelune, là où dans les premiers jours de Juillet se déroulent les encierros.  Nous n'étions pas en Juillet mais mais au tout début de Janvier d'une année dont j'ai oublié le numéro...
Il pleuvait sur la ville,  une pluie fine mêlée de neige, et j'étais inquiet parce que nous devions rentrer, que je craignais le mauvais temps sur les Pyrénées, et que je sentais confusément que cette escapade, ce temps qu'ensemble nous volions marquait le début de la fin de quelquechose et qu'il faudrait bien retomber dans la réalité.
Au départ de la capitale de la Navarre, la route filait à travers les terres nues, mais la neige avait déjà remplacé la pluie et tombait dru. Lorsque nous abordâmes les premières pentes, les bas côtés herbeux étaient déjà tout blancs, et quelques kilometres plus loin l'étroite chaussée en mauvais état  commença à se recouvrir par plaques d'une pellicule de neige dont l'épaisseur ne cessa d'augmenter.
Ma voiture était un coupé Alfa , et je ne me faisais aucune illusion sur sa tenue de route. Il était bien plus destiné à frimer en ville qu'à affronter les Pyrénées sous la neige, et sa garde au sol était particulièrement basse.
A un moment nous croisâmes une jeep de la guardia civile, qui ralen toit à notre hauteur. je baissai la vitre et l'air glacé et pur en vain l'habitacle. Je demandai au chauffeur si la route était encore praticable plus haut .. « Si, si señor, mais faites vite. »
Plus haut encore, nous nous trouvâmes pris dans les rails dessinés par les quelques véhicules qui étaient montés avant nous, et dans une petite ligne droite nous rejoignîmes un Pegaso qui progressait à un ellure d'escargot dans un panache de fumée bleue. Je tentai de le doubler mais le parechocs buta contre la neige épaisse et les roues se mirent à patiner.
Heureusement c'etait encore l'époque où les routiers espagnols étaient prévenants et solidaires des autres usagers.  L'homme arrêta son camion et descendit muni de deux pelles qui nous permirent de creuser un  chemin. Lorsque je remontai dans l'Alfa, j'étais trempé jusqu'aux genoux et mes pieds gelaient dans mes chaussures de ville. Mais nous étions passés.
Plus tard nous avons atteint Burguete. J'ai toujours , en traversant ce village pyrénéen où des silhiouettes emmitouflées tentaient de débrarrasser les tfroittoirs de leur neige, une pensée pour le vieil Ernest qui y a situé les scènes de pêche à la truite du « Soleil se lève aussi ».
Et puis nous vîmes apparaître dans la tourmente les toits du monastère de Roncevaux. Le col était proche, encore quelques centaines de mètres.
Miracle, juste après le col, la neige s'arrêta pile et sur l'autre versant il pleuvait.
Cependant  l'après midi était déjà assez avancé lorsque nous commençâmes la descente. 
Durant tout la montée du col nous ne nous étions quasiment pas parlé. Je la sentais tendue, comme je l'étais moi même, et je savais que dans ces cas là mieux valait ne rien dire que de risquer de déclencher une de ces confrontations aussi inutiles que sans issue qui nous opposairent souvent.
Il était quinze heures lorsque nous atteignîmes le petit village de Valcarlos qui marquait la frontière espagnole. nous avions faim et le chauffage de la voiture n'avait pas réussi a me réchauffer les pieds ni a sécher mon pantalon. C'est pourquoi nous nous arrêtames à la première modeste auberge qui se trouvait un peu en retrait sur la droite. La porte était fermée mais une vieille femme vêtue de noir vint nous ouvrir et nous introduisit dans une salle à manger simplement meublee de quatre tables rustiques. Mais un grand feu cfrépitait dans la cheminée. Nous étions les seuls clients. Une tortilla et d'épaisses tranches de jambon de pays calmèrent notre appétit, poussés par une bouteille de clarete gouleyant et fruité.
Je voyais les flammes qui dansaient dans son regard gris bleu et les embrasements des bûches allumaient des reflets dans sa longue chevelure dorée... Je savais... je connaissais déjà l'avenir et pourtant c'est à ce moment là, à cet instant précis que tout commença, que  le monde s'effaça.L'auberge ne possédait pas de chambres, mais la vieille me tendit la clé de la pièce, en m'expliquant qu'elle fermait jusqu'au soir et qu'il n'y aurait plus de clients...
C'est le moment que choisit le bonheur pour nous atteindre.

Une fulgurance, une illumination sublime et mélancolique dans les lueurs du feu. Ce qui n'avait encore jamais été et qui ne serait jamais plus.  un soupir de plénitude.

Quand nous reprîmes la route, la magie s'était déjà estompée, l'angoisse des lendemains reprenait sa place...

Des années plus tard, presque après l'oubli, je reçus cette carte de toi, comme un point final à ce qui avait été notre histoire, et je compris qu'à ce moment là nous avions véritablement communié.
Il m'est arrivé de repasser par Varlcarlos mais je n'ai jamais retrouvé l'auberge.Rien d'ailleurs n'eût justifié que je m'y arrête à nouveau.

 

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Commentaires
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Beau souvenir, qu'on ose plus évoquer, mais on y pense de temps en temps et ma foi c'est bien agréable, mais c'est génial d'avoir trouvé la façon de l'écrire que d'idées vous me donnez ! <br /> <br /> Je n'aurai sans doute pas l'occasion de passer pendant quelques jours je vous souhaite un bon réveillon entouré d'amis ou de personnes chères à votre coeur, tous mes voeux pour 2009.<br /> Amicalement C.
Dicod'y
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